Située en plein coeur du centre ville nantais depuis 2019, il est difficile de passer à côté de La Friperie du quartier Decré. Avec une vitrine ornée de slogans environnementaux, la boutique attire tous les regards !
Les impacts de l’industrie textile
Les impacts de nos vêtements sur le vivant ne sont maintenant plus à démontrer. L’industrie textile compte parmi les plus polluantes et inégalitaires au monde.
Le vêtement génère des pollutions et nuisances tout au long de son cycle de vie. Des produits chimiques sont utilisés sur l’ensemble du processus de fabrication : l’obtention des matières premières, la filature et le tissage, les traitements spéciaux tels que le délavage et la teinture, sa confection et son entretien. À travers le déversement des eaux usées, des substances toxiques et micro-particules de plastiques sont rejetées dans les rivières engendrant une dégradation des écosystèmes, de la biodiversité et endommageant la santé des populations locales. Chaque procédé nécessite une forte consommation d’eau et d’énergie, ce qui participe à l’épuisement des ressources.
“Dans les sols, il y a aussi de la vie, des insectes, des vers de terre.. Et tous les composants chimiques utilisés, ça ruine vraiment tout, tout, tout.”
Pour proposer des prix attractifs et un renouvellement de leurs collections à un rythme effréné, les marques de prêt-à-porter de la fast fashion cherchent à produire leurs vêtements le moins cher et le plus rapidement possible, au détriment de leur qualité. Pour cela, elles exportent leur fabrication dans des pays où la réglementation est peu contraignante et souvent sans protection sociale. Les conditions de travail y sont très dures et les salaires en dessous des minima sociaux.
Finalement, le vêtement fait le tour de la planète avant de finir entre les mains de chacun·e. Pour prendre l’exemple du jean, son coton est cultivé en Inde ou en Afrique, il est ensuite teint dans d’autres pays, confectionné en Asie puis livré aux quatre coins du monde pour être vendu en magasins.
Afin de respecter les demandes exorbitantes d’abondance et de rapidité, le transport se fait le plus souvent en avion (émetteur de gaz à effet de serre considérable).
Les vêtements ne sont alors plus conçus pour durer dans le temps, ils s’usent plus vite et deviennent quasiment jetables. En découle de nombreux déchets, dont seulement une partie est recyclable.
“Des vêtements comme ça [fast fashion], on ne peut pas forcément leur donner une seconde vie.”
C’est pour toutes ces raisons qu’il devient important de retourner notre veste, de changer notre manière de consommer afin de réduire notre impact sur le vivant. Et il existe toute une panoplie de solutions !
On peut choisir l’achat de vêtements respectueux de l’environnement et de l’humain·e. Leur fabrication est réalisée à partir de matériaux durables tels que le coton bio, issus du commerce équitable ou de produits labellisés. Certains peuvent être naturellement colorés, composés de fibres recyclées ou moins gourmandes en énergie (lin, chanvre..).
On peut aussi soutenir les savoir-faire artisanaux, le fait-main et les créations locales. Même si le coût de la consommation éthique et durable ne convient pas forcément à tous les budgets.
C’est peut-être l’occasion de se tourner vers des solutions à moindres coûts, en fonction de ses besoins, tels que l’échange ou le troc. Le milieu de la seconde main, du réemploi et du déjà-porté regorge de possibilités et permet de prolonger la vie de chaque vêtement, de réduire l’utilisation de matières premières et de se vêtir de pièces originales et qualitatives.
C’est dans cet esprit que La Friperie Decré a été pensée.
“C’est un stop à la surconsommation et notamment textile.”
Le fonctionnement de la Friperie du quartier Decré
Chaque jour, Paul et Thomas vous accueillent dans leur boutique où s’entremêlent de nombreuses couleurs et textures, des tissus vintage à des vêtements plus modernes.
En tant que “Frip’contemporaine”, La Friperie ne souhaite pas s’accrocher à un style vestimentaire particulier. Ici, la sélection est variée pour s’adapter à tous les goûts et styles.
Une grande place est dédiée aux basiques tels que t-shirts unis, vestes, chemises à carreaux ou pantalons.. Des indémodables, qui perdurent dans le temps et dont chacun·e a besoin. L’idée est d’éviter le renouvellement continuel des garde-robes, grandement incité par la fast fashion.
“On veut être accessible à tout le monde, peu importe ton style, ton porte-feuille, d’où tu viens, qui tu es..”
Avant de se retrouver entre vos mains, les vêtements de La Friperie suivent tout un cheminement. Ils sont sélectionnés avec soin chez leurs fournisseurs puis livrés en boutique. Une fois réceptionnés, ils sont triés, réparés (si besoin), steamés (défroissés à la vapeur), étiquetés puis mis sur cintres. Au fur et à mesure, selon l’activité du magasin, le stock est renouvelé afin de dévoiler des nouveautés au fil des envies !
Toute une diversité de pièces originales est proposée : des années 80’s à aujourd’hui, du sportswear à un style plus classique. Des vêtements et accessoires de qualité, en cuir, coton, laine ou synthétique, il y en a pour tous les goûts.
Les valeurs
Depuis ses débuts, La Friperie adopte une philosophie populaire. Elle favorise les petits prix pour s’adapter à chaque porte-monnaie. Lorsque les pièces stagnent en rayon depuis un certain temps, elles sont retirées et déstockées dans un bac à 2€ où elles font plus d’un·e heureux·se !
“On les retire des rayons, on les met dans le bac à 2€ et tout part !”
Par son offre variée et accessible, elle accueille des personnes de tous horizons, de profils et d’âges différents.
Quand les vêtements ne peuvent être retouchés ou sont trop abîmés, les fournisseurs les récupèrent pour les recycler. Ils sont alors effilochés, défibrés puis recompressés pour créer de nouvelles matières premières telles que des briques d’isolation acoustique pour les voitures et habitations, de nouvelles pelotes de laine, d’autres vêtements et accessoires ou des chiffons pour les secteurs de la mécanique.
“Ici, vous faites un geste pour votre porte-feuille et un geste pour la planète.”
Depuis quelques années (et le contexte sanitaire), un intérêt grandit pour la consommation locale, le réemploi et l’achat d’occasion. “Les gens commencent à prendre le pli de la seconde main.“ Des initiatives se multiplient pour tisser de nouveaux modèles : des friperies ouvrent, les vide-greniers réapparaissent et les trocantes sont en plein essor.
« Depuis le covid, il y a eut un réel changement de clientèle et c’est cool, c’est très cool. Il y a pleins de gens qui se mettent à le seconde main donc ça donne bon espoir pour la suite.”
Au final, La Friperie, c’est aussi l’occasion de rentrer dans une bulle de contemplation. Un endroit où l’on peut prendre son temps, flâner, chiner, fouiller et s’inspirer des textures et motifs colorés, cintre après cintre. Un espace où se vider la tête, sans forcément consommer.
“Il y a des gens qui aiment faire ça : juste regarder et apprécier le moment, chiner en fait [et repartir souvent bredouille]. Il faut être patient·e.”
Que vous soyez chineur·ses passionné·es, que vous ayez envie d’une pièce classique à faible coût ou que vous ne souhaitez plus consommer de vêtements neufs, cet endroit est fait pour vous !
Pour aller plus loin
- Mode : Moi, je retourne ma veste, Magazine Les Autres Possible #18, 2019
- Le revers de mon look : Quels impacts ont mes vêtements et mes chaussures sur la planète ?, Universal Love et ADEME, 2020